Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 3.djvu/284

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
De l’esprit des Lois,


La loi Voconienne étoit faite pour régler les richesses, & non pas pour régler la pauvreté : aussi Cicéron nous dit-il[1] qu’elle ne statuoit que sur ceux qui étoient inscrits dans le cens.

Ceci fournit un prétexte pour éluder la loi. On sait que les Romains étoient extrêmement formalistes, & nous avons dit ci-dessus que l’esprit de la république étoit de suivre la lettre de la loi. Il y eut des peres qui ne se firent point inscrire dans le cens, pour pouvoir laisser leur succession à leur fille : & les préteurs jugerent qu’on ne violoit point la loi Voconienne, puisqu’on n’en violoit point la lettre.

Un certain Anius Asellus avoit institué sa fille, unique héritiere. Il le pouvoit, dit Cicéron[2], la loi Voconienne ne l’en empêchoit pas, parce qu’il n’étoit point dans le cens. Verrès, étant prêteur, avoit privé la fille de la succession : Cicéron soutient que Verrès avoit été corrompu, parce que, sans cela, il n’auroit point interverti un

  1. Qui census esset. Harangue seconde contre Verrès.
  2. Census non erat. Ibid.