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Liv. XXV. Chap. XIII.


» Vous vivez dans un siecle où la lumiere naturelle est plus vive qu’elle n’a jamais été, où la philosophie a éclairé les esprits, où la morale de votre évangile a été plus connue, où les droits respectifs des hommes les uns sur les autres, l’empire qu’une conscience a sur une autre conscience, sont mieux établis. Si donc vous ne revenez pas de vos anciens préjugés, qui, si vous n’y prenez garde, sont vos passions, il faut avouer que vous êtes incorrigibles, incapables de toute lumiere & de toute instruction ; & une nation est bien malheureuse, qui donne de l’autorité à des hommes tels que vous.

» Voulez-vous que nous vous disions naïvement notre pensée ? Vous nous regardez plutôt comme vos ennemis, que comme les ennemis de votre religion ; car si vous aimiez votre religion, vous ne la laisseriez pas corrompre par une ignorance grossiere.

» Il faut que nous vous avertissions d’une chose ; c’est que, si quelqu’un dans la postérité ose jamais dire que dans le siecle où nous vivons, les peuples d’Europe étoient policés, on vous citera pour prouver qu’ils étoient bar-