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De l’esprit des Lois,


Les familles particulieres peuvent s’augmenter : il faut donc que leurs biens puissent croître aussi. Le clergé est une famille qui ne doit point s’augmenter : les biens doivent donc y être bornés.

Nous avons retenu les dispositions du Lévitique sur les biens du clergé, excepté celles qui regardent les bornes de ces biens : effectivement, on ignorera toujours parmi nous quel est le terme après lequel il n’est plus permis à une communauté religieuse d’acquérir.

Ces acquisitions sans fin paroissent aux peuples si déraisonnables, que celui qui voudroit parler pour elles, seroit regardé comme un imbécile.

Les lois civiles trouvent quelquefois des obstacles à changer des abus établis, parce qu’ils sont liés à des choses qu’elles doivent respecter : dans ce cas, une disposition indirecte marque plus le bon esprit du législateur, qu’une autre qui frapperoit sur la chose même. Au lieu de défendre les acquisitions du clergé, il faut chercher à l’en dégoûter lui-même ; laisser le droit, & ôter le fait.

Dans quelques pays de l’Europe, la considération des droits des seigneurs a fait établir en leur faveur un droit d’in-