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De l’esprit des Lois,

lorsqu’on sait qu’ils se rapportent aux mêmes principes.

La religion de Confucius[1] nie l’immortalité de l’ame ; & la secte de Zénon ne la croyoit pas. Qui le diroit ? ces deux sectes ont tiré de leurs mauvais principes des conséquences, non pas justes, mais admirables pour la société. La religion des Tao & des Foë croit l’immortalité de l’ame : mais de ce dogme si saint, ils ont tiré des conséquences affreuses.

Presque par tout le monde & dans tous les temps, l’opinion de l’immortalité de l’ame mal prise a engagé les femmes, les esclaves, les sujets, les amis, à se tuer, pour aller servir dans l’autre monde l’objet de leur respect ou de leur amour. Cela étoit ainsi dans les Indes occidentales ; cela étoit ainsi chez

  1. Un philosophe Chinois argumente ainsi contre la doctrine de Foë. « Il est dit dans un livre de cette secte, que notre corps est notre domicile, & l’ame l’hôtesse immortelle qui y loge ; mais si le corps de nos parens n’est qu’un logement, il est naturel de le regarder avec le même mépris qu’on a pour un amas de boue & de terre. N’est-ce pas vouloir arracher du cœur la vertu de l’amour des parens ? Cela porte de même à négliger le soin du corps, & à lui refuser la compassion & l’affection si nécessaires pour sa conservation : ainsi les disciples de Foë se tuent à milliers. » Ouvrage d’un philosophe Chinois, dans le recueil du Pere du Halde, tom. III. p. 52.