Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 3.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
120
De l’esprit des Lois,


Quelques aumônes que l’on fait à un homme nud dans les rues, ne remplissent point les obligations de l’état, qui doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la nourriture, un vêtement convenable, & un genre de vie qui ne soit point contraire à la santé.

Aureng-Zebe[1] à qui on demandoit pourquoi il ne bâtissoit point d’hôpitaux, dit : « Je rendrai mon empire si riche, qu’il n’aura pas besoin d’hôpitaux. » Il auroit fallu dire : Je commencerai par rendre mon empire riche, & je bâtirai des hôpitaux.

Les richesses d’un état supposent beaucoup d’industrie. Il n’est pas possible que, dans un si grand nombre de branches de commerce, il n’y en ait toujours quelqu’une qui souffre, & dont par conséquent les ouvriers ne soient dans une nécessité momentanée.

C’est pour lors que l’état a besoin d’apporter un prompt secours, soit pour empêcher le peuple de souffrir, soit pour éviter qu’il ne se révolte : c’est dans ce cas qu’il faut des hôpitaux, ou quelque règlement équivalent, qui puisse prévenir cette misere.

  1. Voyez Chardin, voyage de Perse, tome 8.