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Liv. XXIII. Chap. XXI.

qui n’étoient point mariés, & augmenta les récompenses de ceux qui l’étoient, & de ceux qui avoient des enfans. Tacite appelle ces lois Juliennes[1] ; il y a apparence qu’on y avoit fondu les anciens réglemens faits par le sénat, le peuple & les censeurs.

La loi d’Auguste trouva mille obstacles ; & trente-quatre ans[2] après qu’elle eut été faite, les chevaliers Romains lui en demanderent la révocation. Il fit mettre d’un côté ceux qui étoient mariés, & de l’autre ceux qui ne l’étoient pas : ces derniers parurent en plus grand nombre ; ce qui étonna les citoyens & les confondit. Auguste avec la gravité des anciens censeurs, leur parla ainsi[3].

« Pendant que les maladies & les guerres nous enlevent tant de citoyens, que deviendra la ville, si on ne contracte plus de mariages ? La cité ne consiste point dans les maisons, les portiques, les places publiques : ce sont les hommes qui font la cité. Vous ne

  1. Julias rogationes, annal. Liv. III.
  2. L’an 762 de Rome, Dion, liv. LVI.
  3. J’ai abrégé cette harangue, qui est d’une longueur accablante : elle est rapportée dans Dion, liv. LVI.