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De l’esprit des Lois,

comme on fait aujourd’hui par la boussole : mais ce seroit un cas fortuit, & non pas une navigation réglée.

On voit dans le traité qui finit la premiere guerre Punique, que Carthage fut principalement attentive à se conserver l’empire de la mer, & Rome à garder celui de la terre. Hannon[1], dans la négociation avec les Romains, déclara qu’il ne souffriroit pas seulement qu’ils se lavassent les mains dans les mers de Sicile ; il ne leur fut pas permis de naviguer au-delà du beau Promontoire ; il leur fut défendu[2] de trafiquer en Sicile[3], en Sardaigne, en Afrique, excepté à Carthage : exception qui fait voir qu’on ne leur y préparoit pas un commerce avantageux.

Il y eut dans les premiers temps de grandes guerres entre Carthage & Marseille[4] au sujet de la pêche. Après la paix, ils firent concurremment le commerce d’économie. Marseille fut d’autant plus jalouse, qu’égalant sa rivale en industrie, elle lui étoit devenue inférieure

  1. Tite-Live, supplément de Frenshemius, seconde décade, liv. VI.
  2. Polybe, liv. III.
  3. Dans la partie sujette aux Carthaginois.
  4. Justin, liv. XLIII. ch. V.