Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 2.djvu/178

Cette page a été validée par deux contributeurs.
146
De l’esprit des Lois,

plus belles provinces de l’empire ; elles furent faites par les hommes. C’est la fertilité inexprimable de ces deux provinces, qui a donné à l’Europe les idées de la félicité de cette vaste contrée. Mais un soin continuel & nécessaire pour garantir de la destruction une partie si considérable de l’empire, demandoit plutôt les mœurs d’un peuple sage, que celles d’un peuple voluptueux ; plutôt le pouvoir légitime d’un monarque, que la puissance tyrannique d’un despote. Il falloit que le pouvoir y fût modéré, comme il l’étoit autrefois en Égypte. Il falloit que le pouvoir y fût modéré, comme il l’est en Hollande, que la nature a faite pour avoir attention sur elle-même, & non pas pour être abandonnée à la nonchalance ou au caprice.

Ainsi, malgré le climat de la Chine, où l’on est naturellement porté à l’obéissance servile, malgré les horreurs qui suivent la trop grande étendue d’un empire, les premiers législateurs de la Chine furent obligés de faire de très-bonnes lois, & le gouvernement fut souvent obligé de les suivre.