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Liv. XI. Chap. XII.

les criminels ; il porta directement au peuple toutes les affaires ; il le soulagea des taxes, & en mit tout le fardeau sur les patriciens. Ainsi à mesure qu’il affoiblissoit la puissance royale & l’autorité du sénat, il augmentoit le pouvoir du peuple[1].

Tarquin ne se fit élire ni par le sénat ni par le peuple ; il regarda Servius Tullius comme un usurpateur, & prit la couronne comme un droit héréditaire ; il extermina la plupart des sénateurs ; il ne consulta plus ceux qui restoient, il ne les appela pas même à ses jugemens[2]. Sa puissance augmenta ; mais ce qu’il y avoit d’odieux dans cette puissance, devint plus odieux encore : il usurpa le pouvoir du peuple ; il fit des lois sans lui ; il en fit même contre lui[3]. Il auroit réuni les trois pouvoirs dans sa personne ; mais le peuple se souvint un moment qu’il étoit législateur, & Tarquin ne fut plus.

  1. On croyoit que, s’il n’avoit pas été prévenu par Tarquin, il auroit établi le gouvernement populaire ; Denys d’Halicarnasse, liv. IV, p. 243.
  2. Livre IV.
  3. Ibid.