Page:Montesquieu Esprit des Lois 1777 Garnier 1.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
240
De l’esprit des Lois,

de se corrompre. Il ne se maintient donc que dans des circonstances tirées du climat, de la religion, de la situation, ou du génie du peuple, le forcent à suivre quelque ordre & à souffrir quelque regle. Ces choses forcent sa nature, sans la changer ; sa férocité reste ; elle est pour quelque temps apprivoisée.




CHAPITRE XI.

Effets naturels de la bonté & de la corruption des principes.


Lorsque les principes du gouvernement sont une fois corrompus, les meilleures lois deviennent mauvaises, & se tournent contre l’état ; lorsque les principes en sont sains, les mauvaises ont l’effet des bonnes ; la force du principe entraîne tout.

Les Crétois, pour tenir les premiers magistrats dans la dépendance des lois, employoient un moyen bien singulier ; c’étoit celui de l’insurrection. Une partie des citoyens se soulevoit[1], mettoit en fuite les magistrats, & les obligeoit

  1. Aristote, Politiq. Liv. II, ch. X.