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Liv. VI. Chap. IX.

peine d’une mauvaise action, sera d’en être convaincu. Les lois civiles y corrigeront donc plus aisément, & n’auront pas besoin de tant de force.

Dans ces états, un bon législateur s’attachera moins à punir les crimes, qu’à les prévenir ; il s’appliquera plus à donner des mœurs, qu’à infliger des supplices.

C’est une remarque perpétuelle des auteurs Chinois[1], que plus dans leur empire on voyoit augmenter les supplices, plus la révolution étoit prochaine. C’est qu’on augmentoit les supplices à mesure qu’on manquoit de mœurs.

Il seroit aisé de prouver que, dans tous ou presque tous les états d’Europe, les peines ont diminué ou augmenté à mesure qu’on s’est plus approché ou plus éloigné de la liberté.

Dans les pays despotiques, on est si malheureux, que l’on y craint plus la mort qu’on ne regrette la vie ; les supplices y doivent donc être plus rigoureux. Dans les états modérés, on craint plus de perdre la vie qu’on ne redoute

  1. Je ferai voir dans la suite que la Chine, à cet égard, est dans le cas d’une république, ou d’une monarchie.