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De l’esprit des Lois,

du gouvernement est la vertu. Ce ne sont pas seulement les crimes qui détruisent la vertu ; mais encore les négligences, les fautes, une certaine tiédeur dans l’amour de la patrie, des exemples dangereux, des semences de corruption ; ce qui ne choque point les lois, mais les élude ; ce qui ne les détruit pas, mais les affoiblit ; tout cela doit être corrigé par les censeurs.

On est étonné de la punition de cet Aréopagite, qui avoit tué un moineau qui, poursuivi par un épervier, s’étoit réfugié dans son sein. On est surpris que l’Aréopage ait fait mourir un enfant qui avoit crevé les yeux à son oiseau. Qu’on fasse attention qu’il ne s’agit point là d’une condamnation pour crime, mais d’un jugement de mœrs dans une république fondée sur les mœrs.

Dans les monarchies il ne faut point des censeurs : elles sont fondées sur l’honneur, & la nature de l’honneur est d’avoir pour censeur tout l’univers. Tout homme qui y manque, est soumis aux reproches de ceux mêmes qui n’en ont point.

Là, les censeurs seroient gâtés par ceux mêmes qu’ils devroient corriger.