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Liv. V. Chap. XIX.

guerre n’ont pour objet que la gloire, ou du moins l’honneur ou la fortune. On doit bien se garder de donner les emplois civils à des hommes pareils : il faut au contraire qu’ils soient contenus par les magistrats civils ; & que les mêmes gens n’ayent pas en même temps la confiance du peuple, & la force pour en abuser[1].

Voyez dans une nation où la république se cache sous la forme de la monarchie, combien l’on craint un état particulier de gens de guerre ; & comment le guerrier reste toujours citoyen, ou même magistrat, afin que ces qualités soient un gage pour la patrie, & qu’on ne l’oublie jamais.

Cette division de magistratures en civiles & militaires, faite par les Romains après la perte de la république, ne fut pas une chose arbitraire. Elle fut une suite du changement de la constitution de Rome : elle étoit de la nature du gouvernement monarchique ; & ce qui ne fut que commencé sous Auguste[2]

  1. Ne imperium ad optimos nobilium transferretur, senatum militiâ vetuit Gallienus, etiam adire exercirum. Aurelius victor, de viris illustrib.
  2. Auguste ôta aux sénateurs, proconsuls & gouverneurs, le droit de porter les armes. Dion, liv. XXXIII.