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De l’esprit des Lois,

n’en a pas besoin. Dans une monarchie, l’honneur est un motif plus fort que les présens. Mais dans l’état despotique, où il n’y a ni honneur ni vertu, on ne peut être déterminé à agir que par l’espérance des commodités de la vie.

C’est dans les idées de la république, que Platon[1] vouloit que ceux qui reçoivent des présens pour faire leur devoir, fussent punis de mort. Il n’en faut prendre, disoit-il, ni pour les choses bonnes ni pour les mauvaises.

C’étoit une mauvaise loi que cette loi Romaine[2] qui permettoit aux magistrats de prendre de petits présens,[3] pourvu qu’ils ne passassent pas cent écus dans toute l’année. Ceux à qui on ne donne rien, ne désirent rien ; ceux à qui on donne un peu, désirent bientôt un peu plus, & ensuite beaucoup. D’ailleurs, il est plus aisé de convaincre celui qui, ne devant rien prendre, prend quelque chose, que celui qui prend plus, lorsqu’il devroit prendre moins, & qui trouve toujours pour cela des prétextes, des excuses, des causes & des raisons plausibles.

  1. Liv. XII. des lois.
  2. Leg. 6. §. 2. ss. ad Leg. Jul. reper.
  3. Munuscula.