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Liv. V. Chap. XIV.

ils seront enfermés ou mis à mort, que parmi nous où les princes du sang jouissent d’une condition qui, si elle n’est pas si satisfaisante pour l’ambition, l’est peut-être plus pour les désirs modérés.

Les princes des états despotiques ont toujours abusé du mariage. Ils prennent ordinairement plusieurs femmes, sur-tout dans la partie du monde où le despotisme est, pour ainsi dire, naturalisé, qui est l’Asie. Ils en ont tant d’enfans, qu’ils ne peuvent guere avoir d’affection pour eux, ni ceux-ci pour leurs freres.

La famille régnante ressemble à l’état ; elle est trop foible, & son chef est trop fort ; elle paroît étendue, & elle se réduit à rien. Artaxerxès[1] fit mourir tous ses enfans pour avoir conjuré contre lui. Il n’est pas vraisemblable que cinquante enfans conspirent contre leur pere ; & encore moins qu’ils conspirent, parce qu’il n’a pas voulu céder sa concubine à son fils aîné. Il est plus simple de croire qu’il y a là quelque intrigue de ces sérails d’Orient ; de ces lieux où l’artifice, la méchanceté, la ruse regnent dans le silence, & le couvrent d’une épaisse nuit ; où un vieux

  1. Voyez Justin.