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DE L'ESPRIT DES LOIS.


sique. Si l’on a au delà, les uns dépenseront, les autres acquerront, et l'inégalité s’établira.

Supposant le nécessaire physique égal à une somme donnée, le luxe de ceux qui n’auront que le nécessaire sera égal à zéro ; celui qui aura le double aura un luxe égal à un ; celui qui aura le double du bien de ce dernier aura un luxe égal à trois ; quand on aura encore le double [1] on aura un luxe égal à sept ; de sorte que le bien du particulier qui suit, étant toujours supposé double de celui du précédent, le luxe croîtra du double plus une unité, dans cette progression 0, 1, 3, 7, 15, 81, 63, 127.

Dans la république de Platon [2], le luxe auroit pu se calculer au juste. Il y avoit quatre sortes de cens établis. Le premier étoit précisément le terme où finissoit la pauvreté [3] ; le second étoit double, le troisième triple, le quatrième quadruple du premier. Dans le premier cens, le luxe étoit égal à zéro ; il étoit égal à un dans le second, à deux dans le troisième, à trois dans le quatrième ; et il suivoit ainsi la proportion arithmétique.

En considérant le luxe des divers peuples les uns à l’égard des autres, il est dans chaque État en raison composée de l’inégalité des fortunes qui est entre les citoyens, et de l’inégalité des richesses des divers États. En Pologne, par exemple, les fortunes sont d’une inégalité extrême ; mais la pauvreté du total empêche qu’il y ait autant de luxe que dans un État plus riche.

  1. A. B. Quand on aura encore un doublé, etc.
  2. Le premier cens étoit le sort héréditaire en terres, et Platon ne vouloit pas qu’on pût avoir, en autres effets, plus du triple du sort héréditaire. Voyez ses Lois, liv. IV. (M.)
  3. Suivant Platon. Qui peut dire le terme où finit la pauvreté ? Elle est relative aux charges de la famille, au nombre des enfants, à la condition de l'individu, etc.