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GRANDEUR ET DÉCADENCE DES ROMAINS.


il n’y en avait plus que sept cents, dont à peine cent possédaient des terres[1], et que tout le reste n’était qu’une populace sans courage, ils entreprirent de rétablir les lois[2] à cet égard[3], et Lacédémone reprit sa première puissance et redevint formidable à tous les Grecs.

Ce fut le partage égal des terres qui rendit Rome capable de sortir d’abord de son abaissement, et cela se sentit bien quand elle fut corrompue.

Elle était une petite république lorsque, les Latins ayant refusé le secours de troupes qu’ils étaient obligés de donner, on leva sur-le-champ dix légions dans la ville[4]. « À peine à présent, dit Tite-Live, Rome, que le monde entier ne peut contenir, en pourrait-elle faire autant si un ennemi paraissait tout à coup devant ses murailles : marque certaine que nous ne nous sommes point agrandis, et que nous n’avons fait qu’augmenter le luxe et les richesses qui nous travaillent. »

« Dites-moi, disait Tibérius Gracchus aux nobles[5], qui vaut mieux, un citoyen ou un esclave perpétuel, un soldat ou un homme inutile à la guerre[6] ? Voulez-vous, pour avoir quelques arpents de terre plus que les autres citoyens, renoncer à l’espérance de la conquête du reste du monde ou vous mettre en danger de vous voir enlever par les ennemis ces terres que vous nous refusez ? »

  1. Voyez Plutarque, Vie d’Agis et de Cléomènes. (M.)
  2. Voyez Plutarque, ibid. (M.)
  3. A. Et dès ce moment Lacédémone, etc.
  4. Tite-Live, première décade, liv. VII, ch. II. Ce fut quelque temps après la prise de Rome, sous le consulat de L. Furius Camillus et Ap. Claudius Crassus. (M.)
  5. Appien, De la Guerre civile, liv. I, ch. II. (M.)
  6. A. Qui vaut mieux d'un citoyen ou d'un esclave perpétuel ? Qui est-ce qui est plus utile, un soldat ou un homme impropre à la guerre ?