Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t1.djvu/396

Cette page n’a pas encore été corrigée
374
LETTRES PERSANES.




LETTRE CXX.


USBEK AU MÊME.


Les pays habités par les sauvages sont ordinairement peu peuplés, par l’éloignement qu’ils ont presque tous pour le travail et la culture de la terre. Cette malheureuse aversion est si forte, que, lorsqu’ils font quelque imprécation contre quelqu’un de leurs ennemis, ils ne lui souhaitent autre chose que d’être réduit à labourer un champ, croyant qu’il n’y a que la chasse et la pêche qui soit un exercice noble et digne d’eux.

Mais, comme il y a souvent des années où la chasse et la pêche rendent très-peu, ils sont désolés par des famines fréquentes ; sans compter qu’il n’y a pas de pays si abondant en gibier et en poisson, qu’il puisse donner [1] la subsistance à un grand peuple, parce que les animaux fuient toujours les endroits trop habités.

D’ailleurs, les bourgades de sauvages, au nombre de deux ou trois cents habitants, détachées les unes des autres, ayant des intérêts aussi séparés que ceux de deux empires, ne peuvent pas se soutenir, parce qu’elles n’ont pas la ressource des grands États, dont toutes les parties se répondent, et se secourent mutuellement.

Il y a, chez les sauvages, une autre coutume, qui n’est

  1. A. C. Qui puisse donner.