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LETTRE CII.





LETTRE CII.


USBEK A IBBEN.


A SMYRNE.


Les plus puissants États de l’Europe sont ceux de l’Empereur, des rois de France, d’Espagne et d’Angleterre. L’Italie, et une grande partie de l’Allemagne, sont partagées en un nombre infini de petits États, dont les princes sont, à proprement parler, les martyrs de la souveraineté. Nos glorieux sultans ont plus de femmes que quelques-uns de ces princes n’ont de sujets. Ceux d’Italie, qui ne sont pas si unis, sont plus à plaindre ; leurs États sont ouverts comme des caravansérails, [1] où ils sont obligés de loger les premiers qui viennent ; il faut donc qu’ils s’attachent aux grands princes, et leur fassent part de leur frayeur plutôt que de leur amitié.

La plupart des gouvernements d’Europe sont monarchiques, ou plutôt sont ainsi appelés ; car je ne sais pas s’il y en a jamais eu véritablement de tels ; au moins est-il difficile qu’ils aient subsisté longtemps dans leur pureté. [2] C’est un état violent, qui dégénère toujours en despotisme

  1. A. Caravansérais.
  2. A. Qu’ils aient subsisté longtemps. C’est un état.