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LETTRE XC.




LETTRE XC.


USBEK AU MÊME.[1]


A SMYRNE.




De cette passion générale que la nation française a pour la gloire, il s’est formé, dans l’esprit des particuliers, un certain je ne sais quoi qu’on appelle point d’honneur ; c’est proprement le caractère de chaque profession ; mais il est plus marqué chez les gens de guerre, et c’est le point d’honneur par excellence. Il me serait bien difficile de te faire sentir ce que c’est, car nous n’en avons point précisément d’idée.

Autrefois les Français, surtout les nobles, ne suivaient guère d’autres lois que celles de ce point d’honneur ; elles réglaient toute la conduite de leur vie ; et elles étaient si sévères, qu’on ne pouvait, sans une peine plus cruelle que la mort, je ne dis pas les enfreindre, mais en éluder la plus petite disposition.

Quand il s’agissait de régler les différends, elles ne prescrivaient guère qu’une manière de décision, qui était le duel, qui tranchait toutes les difficultés. Mais, ce qu’il y avait de mal, c’est que souvent le jugement se rendait

  1. Comparez Esprit des lois, III, 6, 7 ; IV, 2 ; XXVIII, 20.