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DE M. DE MONTESQUIEU.

Son fils, Jean-Baptiste, un des plus beaux génies de son temps, et un des plus grands magistrats, posséda cette charge après lui. Il perdit un fils unique, et laissa ses biens et sa charge à son neveu Charles de Secondat, auteur de l’Esprit des lois. Passons rapidement sur toutes ces anecdotes, dont la mémoire de M. de Montesquieu a si peu de besoin, et venons à lui.

Le père de Charles, qui, après avoir servi avec distinction, avoit quitté le service, se donna tout entier à l’éducation de son fils.

Ce fils, qui est M. de Montesquieu, dès sa plus tendre jeunesse, avoit fait une étude immense du droit civil, et ses talents, perçant de tous côtés, avaient produit un ouvrage dans lequel il entreprenoit de prouver que l’idolâtrie de la plupart des païens ne méritoit pas un châtiment éternel. M. de Montesquieu, auteur, avant le temps, d’un ouvrage rempli d’esprit, eut encore, avant le temps, la prudence de ne point le laisser paraître.

Il fut reçu conseiller au parlement le 24 février 1714, et président à mortier le 13 juillet 1716. Se trouvant à Paris en 1722, il fut chargé de présenter les remontrances que le parlement de Bordeaux faisoit à l’occasion d’un nouvel impôt sur les vins.[1] M. de Montesquieu se fit écouter favorablement ; mais après son départ l’impôt supprimé reparut bientôt sous une autre forme.[2]

En 1725 il fit l’ouverture du parlement par un discours dont l’éloquence et la profondeur firent voir de quoi il était capable dans ce genre. Mais une autre compagnie l’attiroit à elle ; une académie nouvellement fondée à Bordeaux n’avait eu garde de laisser échapper M. de Montesquieu. Il y était entré dès 1716, et avait réformé cette compagnie dès sa nais-

  1. C’était un impôt de 40 sols sur la sortie de chaque tonneau de vin.
  2. C’était un impôt de 3 sols pour livre sur toutes les marchandises, en sus des droits ordinaires d’entrée et de sortie. « Cet impôt existe encore à présent, » disait, en 1755, M. le chevalier de Solignac, dans son Éloge de Montesquieu.