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LETTRE XXXIV.



LETTRE XXXIV.

USBEK A IBBEN[1].

A SMYRNE

Les femmes de Perse sont plus belles que celles de France ; mais celles de France sont plus jolies. Il est difficile [2] de ne point aimer les premières, et de ne se point plaire avec les secondes : les unes sont plus tendres et plus modestes, les autres sont plus gaies et plus enjouées.

Ce qui rend le sang si beau en Perse, c’est la vie réglée que les femmes y mènent ; elles ne jouent, ni ne veillent ; elles ne boivent point de vin, et ne s’exposent presque jamais à l’air. Il faut avouer que le sérail est plutôt fait pour la santé que pour les plaisirs : c’est une vie unie, qui ne pique point ; tout s’y ressent de la subordination et du devoir ; les plaisirs même y sont graves, et les joies sévères ; et on ne les goûte presque jamais que comme des marques d’autorité et de dépendance.

Les hommes même n’ont pas en Perse la gaieté qu’ont les Français : [3] on ne leur voit point cette liberté d’esprit,

  1. A. C. Rica à Ibben.
  2. A. Il est impossible.
  3. A. C. Les hommes même n’ont point en Perse la même gaieté que les Français.