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D’auantage, si de fortune il s’y rencontre quelque corps, vn peu plus grosset qu’il ne faut pour passer tous ces destroicts, qui restent à franchir pour l’expeller au dehors, ce corps estant esbranlé par ces choses aperitiues, et ictté dans ces canaux estroits, venant à les boucher, acheminera vne certaine mort et tres-douloureuse. Ils ont vne pareille fermeté aux conseils qu’ils nous donnent de nostre regime de viure il est bon de tomber souuent de l’eau, car nous voyons par experience, qu’en la laissant croupir, nous luy donnons loisir de se descharger de ses excremens, et de sa lye, qui seruira de matiere à bastir la pierre en la vessie : il est bon de ne tomber point souuent de l’eau, car les poisans excrements qu’elle traine quant et elle, ne s’emporteront point, s’il n’y a de la violence, comme on void par experience, qu’vn torrent qui roule auecques roideur, baloye bien plus nettement le lieu où il passe, que ne fait le cours d’vn ruisseau mol et lasche. Pareillement, il est bon d’auoir souuent affaire aux femmes, car cela ouure les passages, et achemine la graue et le sable. Il est bien aussi mauuais, car cela eschauffe les reins, les lasse et affoiblit. Il est bon de se baigner aux eaux chaudes, d’autant que cela relasche et amollit les lieux, où se croupit le sable et la pierre. Mauuais aussi est-il, d’autant que cette application de chaleur externe, aide les reins à cuire, durcir, et petrifier la matiere qui y est disposée. A ceux qui sont aux bains, il est plus salubre de manger peu le soir, affin que le breuuage des eaux qu’ils ont à prendre lendemain matin, face plus d’operation, rencontrant l’estomach vuide, et non empesché. Au rebours, il est meilleur de manger peu au disner, pour ne troubler l’operation de l’eau, qui n’est pas encore parfaite, et ne charger l’estomach si soudain, apres cet autre trauail, et pour laisser l’office de digerer, à la nuict, qui le sçait mieux faire que ne fait le iour, où le corps et l’esprit, sont en perpetuel mouuement et action. Voila comment ils vont bastelant, et baguenaudant à noz despens en tous leurs discours, et ne me sçauroient fournir proposition, à laquelle ie n’en rebastisse vne contraire, de pareille force. Qu’on ne crie donc plus apres ceux qui en ce trouble, se laissent doucement conduire à leur appetit et au conseil de Nature, et se remettent à la fortune commune.I’ay veu par occasion de mes voyages, quasi tous les bains fameux de Chrestienté ; et depuis quelques années ay commencé à m’en seruir. Car en general i’es-