Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 3.djvu/566

Cette page n’a pas encore été corrigée

iardins d’autour de la ville de Damas, tous ouers, et en terre de conqueste, son armee campant sur le lieu mesmes, furent laissés vierges des mains des soldats, parce qu’ils n’auoient pas eu le signe de piller.Mais est-il quelque mal en vne police, qui vaille estre combatu par vne drogue si mortelle ? Non pas, disoit Fauonius, I’vsurpation de la possession tyrannique d’vne republique. Platon de mesme ne consent pas qu’on face violence au repos de son païs, pour le guerir et n’accepte pas l’amendement qui trouble et hazarde tout, et qui couste le sang et ruine des citoyens. Establissant l’office d’vn homme de bien, en ce cas, de laisser tout là : scule— ment prier Dieu qu’il y porte sa main extraordinaire. Et semble sçauoir mauuais gré à Dion son grand amy, d’y auoir vn peu autrement procedé. l’estois Platonicien de ce costé là, avant que ie sceusse qu’il y eust de Platon au monde. Et si ce personnage, doit purement estre refusé de nostre consorce (luy, qui par la sincerité de sa conscience, merita enuers la faueur diuine, de penetrer si auant en la Chrestienne lumiere, au trauers des tenebres publiques, du monde de son temps,) ie ne pense pas, qu’il nous sie bien, de nous laisser instruire à vn payen. Combien c’est d’impieté, de n’atendre de Dieu, nul secours simplement sien, et sans nostre cooperation. Ie doubte souuent, si entre tant de gens, qui se meslent de telle besoigne, nul s’est rencontré, d’entendement si imbecille, à qui on aye en bon escient persuadé, qu’il alloit vers la reformation, par la derniere des difformations qu’il tiroit vers son salut, par les plus expresses causes que nous ayons de trescertaine damnation : que renuersant la police, le magistrat, et les loix, en la tutelle desquelles Dieu l’a colloqué remplissant de haines parricides, les courages fraternels : appellant à son ayde, les diables et les furies : il puisse apporter secours à la sacrosaincte douceur et iustice, de la loy diuinc. L’ambition, l’auarice, la cruauté, la vengeance, n’ont point assez de propre et naturelle impetuosité : amorçons-les et les attisons, par le glorieux titre de iustice et deuotion. il ne se peut imaginer vn pire estat des choses, qu’où la meschanceté vient à estre legitime et prendre auec le congé du magistrat, le manteau de la vertu : Nihil in speciem fallacius quàm praua religio, vbi deorum numen prartenditur sceleribus. L’extreme espece d’iniustice, selon Platon, c’est que, ce qui est iniuste, soit tenu pour iuste.