Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 3.djvu/508

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sans cette reflexion, s’entend voisine reflexion et essentielle, comme sont celles des auaricieux, des ambitieux, et tant d’autres, qui courent de pointe, desquels la course les emporte tousiours deuant eux, ce sont actions erronées et maladiues.La plus part de noz vacations sont farcesques. Mundus vniuersus exercet histrioniam. Il faut iouer deuement nostre rolle, mais comme rolle d’vn personnage emprunté. Du masque et de l’apparence, il n’en faut pas faire vne essence réelle, ny de l’estranger le propre. Nous ne sçauons pas distinguer la peau de la chemise. C’est assés de s’enfariner le visage, sans s’enfariner la poictrine. I’en vois qui se transforment et se transsubstantient en autant de nouuelles figures, et de nouueaux estres, qu’ils entreprennent de charges : et qui se prelatent iusques au foye et aux intestins : et entraînent leur office iusques en leur garderobe. Je ne puis leur apprendre à distinguer les bonnetades, qui les regardent, de celles qui regardent leur commission, ou leur suitte, ou leur mule. Tantum se fortunæ permittunt, etiam vt naturam dediscant. Ils enflent et grossissent leur ame, et leur discours naturel, selon la haulteur de leur siege magistral. Le Maire et Montaigne, ont tousiours esté deux, d’vne separation bien claire. Pour estre aduocat ou financier, il n’en faut pas mescognoistre la fourbe, qu’il y a en telles vacations. Vn honneste homme n’est pas comtable du vice ou sottise de son mestier ; et ne doit pourtant en refuser l’exercice. C’est I’vsage de son pays, et il y a du proffit. Il faut viure du monde, et s’en preualoir, tel qu’on le trouue. Mais le iugement d’vn Empereur, doit estre au dessus de son empire ; et le voir et considerer, comme accident estranger. Et luy doit sçauoir iouyr de soy à part ; et se communicquer comme Iacques et Pierre : au moins à soymesmes.Ie ne sçay pas m’engager si profondement, et si entier. Quand ma volonté me donne à vn party, ce n’est pas d’vne si violente obligation, que mon entendement s’en infecte. Aux presens . brouillis de cet estat, mon interest ne m’a faict mescognoistre, ny les qualitez louables en noz aduersaires, ny celles qui sont repro-