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ceux que cela intéresse et aussi un peu par vanité. — Parmi ces faveurs, toutes de vanité, que m’a faites la fortune, il n’y en a pas qui ait autant donné satisfaction au fond de niaiserie qui est en moi qu’une bulle authentique de bourgeoisie romaine qui m’a été conférée dernièrement, alors que j’étais à Rome ; elle est pompeusement écrite en lettres d’or et dùment scellée, et m’a été octroyée avec la grâce la plus parfaite. Comme le libellé de ces titres varie et est plus ou moins élogieux, et qu’avant d’en avoir vu, j’aurais été bien aise que l’on m’en montrât la formule, je transcris ici le texte de celui qui m’a été remis pour satisfaire la curiosité de quiconque est possédé de ce même désir :

« Sur le rapport fait au Sénat par Orazio Massimi, Marzo Cecio, Alessandro Muti, Conservateurs de la ville de Rome, touchant le droit de cité romaine à accorder à l’Illustrissime Michel de Montaigne, Chevalier de l’Ordre de Saint-Michel et gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi Très Chrétien, le Sénat et le Peuple romain ont décrété :

« Considérant que, par un antique usage, ceux-là ont toujours été adoptés par nous avec ardeur et empressement, qui, distingués en vertu et en noblesse, avaient servi et honoré notre République, ou pouvaient le faire un jour : Nous, pleins de respect pour l’exemple et l’autorité de nos ancêtres, nous croyons devoir imiter et conserver cette louable habitude. À ces causes, l’Illustrissime Michel de Montaigne, Chevalier de l’Ordre de Saint-Michel et gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi Très Chrétien, fort zélé pour le nom Romain, étant, en raison de son rang, de l’éclat de sa famille et de ses qualités personnelles, très digne d’étre admis au droit de cité romaine par le suprême jugement et les suffrages du Sénat et du Peuple romain ; il a plu au Sénat et au Peuple romain que l’Illustrissime Michel de Montaigne, orné de tous les genres de mérite et très cher à ce noble peuple, fut inscrit comme citoyen romain, tant lui que sa postérité, et appelé à jouir de tous les honneurs et avantages réservés à ceux qui sont nés citoyens ou patriciens de Rome ou le sont devenus au meilleur titre. En quoi le Sénat et le Peuple romain pensent qu’ils accordent moins un droit, qu’ils ne paient une dette ; et que c’est moins un service qu’ils rendent, qu’un service qu’ils reçoivent de celui qui, en acceptant le droit de cité, honore et illustre la cité même.

« Les Conservateurs ont fait transcrire ce sénatus-consulte par les secrétaires du Sénat et du Peuple romain pour être déposé dans les archives du Capitole, et ont fait dresser cet acte, muni du sceau ordinaire de la ville. L’an de la fondation de Rome 2331, et de la naissance de Jésus-Christ 1581, le 13 de mars.

« Orazio Fosco, secrétaire du sacré Sénat et du Peuple romain.

« Vincente Martoli, secrétaire du sacré Sénat et du Peuple romain. »