Page:Montaigne - Essais, Didot, 1907, tome 3.djvu/282

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Elles se rendoient lors par fois auec reputation, et soubs des capitulations, qu’elles souffroient aysement estre faussees par le vaincueur. l’ay faict caler soubs l’interest de leur honneur, le plaisir, en son plus grand effort, plus d’vne fois. Et où la raison me pressoit, les ay armees contre moy : si qu’elles se conduisoient plus seurement et seuerement, par mes regles, quand elles s’y estoient franchement remises, qu’elles n’eussent faict par les leurs propres. I’ay autant que i’ay peu chargé sur moy seul, le hazard de nos assignations, pour les en descharger et ay dressé nos parties tousiours par le plus aspre, et inopiné, pour estre moins en souspçon, et en outre par mon aduis, plus accessible. Ils sont ouuerts, principalement par les endroits qu’ils tiennent de soy couuerts. Les choses moins craintes sont moins defendues et obseruees. On peut oser plus aysement, ce que personne ne pense que vous oserez, qui deuient facile par sa difficulté. Jamais homme n’eut ses approches plus impertinemment genitales. Cette voye d’aymer, est plus selon la discipline. Mais combien elle est ridicule à nos gens, et peu effectuelle, qui le sçait mieux que moy ? Si ne m’en viendra point le repentir. Ie n’y ay plus que perdre,

Me tabula sacer
Votiua paries indicat vuida,
Suspendisse potenti
Vestimenta maris Deo.

Il est à cette heure temps d’en parler ouuertement. Mais tout ainsi comme à vn autre, ie dirois à l’auanture, Mon amy tu resues, l’amour de ton temps a peu de commerce auec la foy et la preud®hommie ;

Hæc si tu postules
Ratione certa facere, nihilo plus agas,
Quàm si des operam, vt cum ratione insanias.

Aussi au rebours, si c’estoit à moy de recommencer, ce seroit certes le mesme train et par mesme progrez, pour infructueux qu’il me peust estre. L’insuffisance et la sottise est loüable en vne action meslonable. Autant que ie m’eslongne de leur humeur en cela, ie m’approche de la mienne.Au demeurant, en ce marché, ie ne me laissois pas tout aller : ie m’y plaisois, mais ie ne m’y oubliois pas : ie reseruois en son entier, ce peu de sens et de discretion, que Nature m’a donné, pour leur seruice, et pour le mien : vn peu d’esmotion, mais point de resuerie. Ma conscience s’y engageoit aussi, iusques à la desbauche et dissolution, mais iusques à l’ingratitude, trahison, malignité, et cruauté, non. Je n’achetois pas le plaisir de