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icy, nous courrons sus aux autres, si nous trouuons qu’il y faille courir. Car il y a danger, que nous fantasions des offices nouueaux, pour excuser nostre negligence enuers les naturels offices, et pour les confondre. Qu’il soit ainsín, il se void, qu’és lieux, où les fautes sont malefices, les maléfices ne sont que fautes. Qu’és nations, où les loix de la bienseance sont plus rares et lasches, les loix primitiues de la raison commune sont mieux obseruees : l’innumerable multitude de tant de deuoirs, suffoquant nostre soing, l’allanguissant et dissipant. L’application aux legeres choses nous retire des iustes. O que ces hommes superficiels, prennent vne routte facile et plausible, au prix de la nostre ! Ce sont ombrages, dequoy nous nous plastrons et entrepayons. Mais nous n’en payons pas, ainçois en rechargeons nostre debte, enuers ce grand iuge, qui trousse nos panneaus et haillons, d’autour noz parties honteuses et ne se feint point à nous veoir par tout, iusques à noz intimes et plus secrettes ordures : vtile decence de nostre virginale pudeur, si elle luy pouuoit interdire cette descouuerte. En fin, qui desniaiseroit l’homme, d’vne si scrupuleuse superstition verbale, n’apporteroit pas grande perte au monde. Nostre vie est partie en folie, partie en prudence. Qui n’en escrit que reueremment et regulierement, il en laisse en arriere plus de la moitié. Je ne m’excuse pas enuers moy : et si ie le faisoy, ce seroit plustost de mes excuses, que ie m’excuseroy, que d’autre mienne faute. Ie m’excuse à certaines humeurs, que i’estime plus fortes en nombre que celles, qui sont de mon costé. En leur consideration, ie diray encore cecy (car ie desire de contenter chacun ; chose pourtant difficile, esse vnum hominem accommodatum ad tantam morum ac sermonum et voluntatum varietatem) qu’ils n’ont à se prendre à moy, de ce que ie fay dire aux auctoritez receuës et approuuees de plusieurs siecles : et que ce n’est pas raison, qu’à faute de rythme ils me refusent la dispense, que mesme des hommes ecclesiastiques, des nostres, iouyssent en ce siecle. En voicy deux, et des plus crestez :

Rimula, dispeream, ni monogramma lua est.
Vn vit d’amy la contente et bien traille.

Quoy tant d’autres ? I’ayme la modestie et n’est par iugement,