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obtenu cela de luy, et l’auoir curieusement consideré, elle trouua qu’il estoit impossible, qu’il en peust guerir, et que tout ce qu’il auoit à attendre, c’estoit de trainer fort long temps vne vie douloureuse et languissante : si luy conseilla pour le plus seur et souuerain remede, de se tuer. Et le trouuant vn peu mol, à vne si rude entreprise Ne pense point, luy dit-elle, mon amy, que les douleurs que ie te voy souffrir ne me touchent autant qu’à toy, et que pour m’en deliurer, ie ne me vueille seruir moy-mesme, de cette medecine que ie t’ordonne. Ie te veux accompagner a la guerison, comme i’ay faict à la maladie oste cette crainte, et pense que nous n’aurons que plaisir en ce passage, qui nous doit deliurer de tels tourmens : nous nous en irons heureusement ensemble. Cela dit, et ayant rechauffé le courage de son mary, elle resolut qu’ils se precipiteroient en la mer, par vne fenestre de leur logis, qui y respondoit. Et pour maintenir iusques à sa fin, cette loyale et vehemente affection, dequoy elle l’auoit embrassé pendant sa vie, elle voulut encore qu’il mourust entre ses bras ; mais de peur qu’ils ne luy faillissent, et que les estraintes de ses enlassemens, ne vinssent à se relascher par la cheute et la crainte, elle se fit lier et attacher bien estroitement auec luy, par le faux du corps ; et abandonna ainsi sa vie, pour le repos de celle de son mary. Celle-là estoit de bas lieu ; et parmy telle condition de gens, il n’est pas si nouueau d’y voir quelque traict de rare bonté,

Extrema per illos
Iustitia excedens terris vestigia fecit.

Les autres deux sont nobles et riches, où les exemples de vertu se logent rarement. Arria femme de Cecinna Pætus, personnage consulaire, fut mere d’vne autre Arria femme de Thrasea Pætus, celuy duquel la vertu fut tant renommée du temps de Neron ; et par le moyen de ce gendre, mere-grand de Fannia ; car la ressemblance des noms de ces hommes et femmes, et de leurs fortunes, en a fait mesconter plusieurs. Cette premiere, Arria, Cecinna Pætus, son mary, ayant esté prins prisonnier par les gens de l’Empereur Claudius, apres la deffaicte de Scribonianus, duquel il auoit suiuy le party supplia ceux qui l’emmenoient prisonnier à Rome, de la receuoir dans leur nauire, où elle leur seroit de beaucoup moins de despence et d’incommodité, qu’vn nombre de personnes, qu’il leur faudroit, pour le seruice de son mary : et qu’elle seule fourniroit à sa chambre, à sa cuisine, et à tous autres offices. Ils l’en refuserent : et elle s’estant iettée dans vn batteau de pescheur, qu’elle loua sur le champ, le suyuit en cette sorte depuis la Sclauonie. Comme ils furent à Rome, vn iour, en presence de l’Empereur, Iunia vefue de Scribonianus, s’estant accostée d’elle familierement, pour la societé de leurs fortunes, elle la repoussa