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trarier, tous deux agissent d’accord et avec uniformité. Les chrétiens ont, à cet égard, des enseignements précieux ; ils savent que la justice divine impose cette liaison et cette vie commune du corps et de l’âme, au point d’avoir rendu le corps susceptible de récompenses éternelles ; que Dieu laisse à l’homme tout entier pleine liberté d’action, et veut que tout entier aussi il participe selon ses [1] mérites au châtiment ou aux immunités. La secte des Péripatéticiens, la plus pénétrée des besoins des sociétés, attribue à la sagesse seule le soin de pourvoir au bien de l’association des deux parties dont nous sommes formés et de le leur procurer ; cette école démontre bien l’erreur en laquelle sont tombées les autres sectes en ne tenant pas suffisamment compte de cette association intime, en envisageant chacune de ces parties en son particulier et se déclarant, celle-ci pour le corps, celle-là pour l’âme, perdant de vue et le sujet dont elles s’occupent qui est l’homme, et leur guide dans leurs recherches que, pour la plupart, elles avouent être la nature. — La première distinction qui se soit produite entre les hommes, la considération qui tout d’abord détermina la prééminence des uns sur les autres, a été vraisemblablement due à l’avantage que donne la beauté : « Le partage des terres se fit d’abord en proportion de la beauté, de la vigueur, de l’esprit de chacun ; car alors la beauté et la vigueur étaient les premières recommandations (Lucrèce). »

Montaigne était d’une taille au-dessous de la moyenne ; une taille élevée est chez l’homme la condition essentielle de la beauté. — Je suis de taille un peu au-dessous de la moyenne ; c’est là un défaut qui non seulement nuit à la beauté, mais qui encore est incommode, surtout chez ceux qui exercent des commandements et des charges, parce qu’il leur manque l’autorité que donnent une belle prestance et un physique imposant. C. Marius n’acceptait pas volontiers des soldats dont la taille n’atteignait pas six pieds. — « Le Courtisan » a raison de vouloir, pour le gentilhomme qu’il rêve, une taille ordinaire de préférence à toute autre et de lui refuser toute particularité pouvant le faire montrer au doigt. S’il ne satisfait pas à cette condition de taille moyenne et qu’il soit en dessous plutôt qu’en dessus, je ne le choisirai pas pour en faire un soldat. — Les hommes petits, dit Aristote, sont bien jolis, mais ils ne sont pas beaux ; à la grandeur de ses actes se reconnait une grande àme, comme une taille élevée et bien prise dénote la beauté. — Les Éthiopiens et les Indiens, dit ce même auteur, avaient égard, quand ils élisaient leurs rois et leurs magistrats, à la beauté et à la belle stature des personnes soumises à leur choix. Ils étaient dans le vrai, parce que cela inspire du respect à ceux qui le suivent et de l’effroi aux ennemis, de voir marcher à la tête d’une troupe un chef de haute taille et de forte corpulence « Au premier rang marche Turnus les armes à la main, superbe et dépassant de la tête tous ceux qui l’entourent (Virgile). »

Notre divin et souverain roi qui est au ciel et dont tout ce qu’il fait est à méditer religieusement, avec soin et respect, n’a pas

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