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la ; Quorum igitur causa quis dixerit effectum esse mundum ? Eorum scilicet animantium, quæ ratione vtuntur ; hi sunt dij et homines, quibus profectò nihil est melius. Nous n’aurons iamais assez bafoüé l’impudence de cet accouplage. Mais pauuret qu’a il en soy digne d’vn tel auantage ? À considerer cette vie incorruptible des corps celestes, leur beauté, leur grandeur, leur agitation continuée d’vne si iuste regle :

Cum suscipimus magni cælestia mundi
Templa super, stellisque micantibus Ethæra fixum,
Et venit in mentem Lunæ Solisque viarum :

à considerer la domination et puissance que ces corps là ont, non seulement sur nos vies et conditions de nostre fortune,

Facta etenim et vitas hominum suspendit ab astris :

mais sur nos inclinations mesmes, nos discours, nos volontez : qu’ils regissent, poussent et agitent à la mercy de leurs influances, selon que nostre raison nous l’apprend et le trouue :

Speculatáque longe
Deprendit lacitis dominantia legibus astra,
Et totum alterna mundum ratione moueri,
Fatorúmque vices certis discernere signis :

à voir que non vn homme seul, non vn Roy, mais les monarchies, les empires, et tout ce bas monde se meut au branle des moindres mouuements celestes :

Quantaque quàm parui faciant discrimina motus :
Tantum est hoc regnum, quod regibus imperat ipsis !

si nostre vertu, nos vices, nostre suffisance et science, et ce mesme discours que nous faisons de la force des astres, et cette comparaison d’eux à nous, elle vient, comme iuge nostre raison, par leur moyen et de leur faueur :

Furit alter amore,
Et pontum tranare polest et vertere Troiam,
Alterius sors est scribendis legibus apta ;
Ecce patrem nati perimunt, natósque parentes,
Mutuaque armati cœunt in vulnera fratres ;
Non nostrum hoc bellum est, coguntur tanta mouere,
Inque suas ferri panas, lacerandáque membra,
Hoc quoque fatale est sic ipsum expendere fatum.

nous tenons de la distribution du ciel cette part de raison que nous auons, comment nous pourra elle esgaler à luy ? comment soubs-mettre à nostre science son essence et ses conditions ?Tout ce que nous voyons en ces corps là, nous estonne ; quæ molitio, quæ ferramenta, qui vectes, quæ machinæ, qui ministri tanti operis fuerunt ? pourquoy les priuons nous et d’ame, et de vie, et de discours ?