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OUBLIÉS ET DEDAIGNÉS.

trois cornes, revient avec dignité, mesure héroïquement ses pas, et, cambrant sa taille :

« — Je vous en défie !!!

« Le ministre resta pétrifié ; il laissa sortir l’audacieux auteur, et il n’en fut que cela. »

Les dernières années de Sébastien Mercier s’écoulèrent sans lui faire perdre rien de son étonnante verdeur et de sa grande activité. Impénitent jusqu’au lit de mort, il lançait encore ses foudres contre Boileau, les peintres, et Descartes. Son paradoxe d’adieu fut celui-ci. La municipalité de Cambrai, ayant exhumé les restes de Fénelon, avait organisé une souscription pour élever un monument à l’illustre prélat et y déposer ses cendres. Mercier, alors âgé de près de soixante-dix ans, trouva dans cette circonstance l’occasion de se signaler, et il écrivit la lettre singulière que nous reproduisons :

« Louis-Sébastien Mercier, membre de l’Institut national, au maire et aux habitants de Cambrai.

« Avoir découvert le crâne ou la ci-devant calotte noire ou rouge de Fénelon, c’est absolument la même chose : car ce n’est point ce crâne, pas plus que la calotte, qui a enfanté les bons et excellent ouvrages de l’archi-pontife.

« Laissez la dépouille des morts où elle se trouve ; ne touchez point à leurs cendres. Et qu’allez-vous faire ? Allumer des flambeaux en plein jour, sonner toutes les cloches, vous prosterner en procession, payer un statuaire pour couvrir de colonnes jaspées des ossements ! Je vous le dis d’une voix haute : L’homme n’est point là !…

« Les cabaretiers, aubergistes et limonadiers se-