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MERCIER.

tinaient à demander qu’il retranchât d’une de ses pièces certain passage : « Apprenez, leur dit Euripide, en s’avançant sur le bord du théâtre, que je ne compose point mes ouvrages afin d’apprendre de vous, mais afin de vous enseigner. »

La Néologie est un des ouvrages qui ont été le plus reprochés à Mercier, pour le grand nombre et pour l’énormité des paradoxes qu’elle renferme. Je suis tenté de croire effectivement que, tout en exaltant son cerveau, la Révolution en avait dérangé quelques fibres ; car ce n’est pas seulement, comme jadis, les littérateurs qu’il attaque et qu’il fronde, ce sont les philosophes, les savants, les astronomes ; c’est Copernic, dont il déclare le système impossible ; c’est Locke et Condillac, qu’il surnomme les idéologues ; c’est Newton l’absurde, qu’il se vante d’avoir anéanti. Selon lui, la terre est ronde et plate, et autour d’elle le soleil tourne comme un cheval de manège. On ferait une immense et joyeuse collection de ses hérésies en toute matière, même en matière d’art. Selon lui, les peintres, les sculpteurs et les graveurs ne sont bons qu’à être jetés à la rivière ; il appelle les statues des poupées de marbre, et il voudrait supprimer jusqu’au nom des Raphaël, des Corrége, des Titien, dont les œuvres, dit-il, ont été si pernicieuses pour les mœurs. « Un amateur de l’antiquité frémit en lisant que les Arabes démolissent le temple de Jupiter-Sérapis, et qu’ils fendent des tronçons de colonnes pour en faire des meules de moulin. Un philosophe aimera mieux la meule de moulin que la colonne, et il trouvera fort indifférent que ces débris restent debout ou soient séparés. »

Ceci est le mauvais côté du talent de Sébastien