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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

qui eut une vogue incroyable, à une époque où l’esprit et la philosophie défrayaient seuls la littérature.

Disciple des jésuites, Baculard d’Arnaud était un jeune homme long comme une perche, sec et propre. Il tournait les vers agréablement. Il avait attendri Voltaire par le tableau de sa pauvreté, et Voltaire écrivait, le 20 mars 1736, à l’abbé Moussinot : « Je vous prie d’envoyer chercher par votre frotteur un jeune homme nommé Baculard d’Arnaud ; c’est un étudiant en philosophie au collège d’Harcourt ; il demeure rue Mouffetard ; vous lui donnerez douze francs. » Cela commence à peu près comme avec le chevalier de Mouhy.

On connaît trop la correspondance de Voltaire pour que nous nous y arrêtions. Fatigué des demandes d’argent continuelles du collégien, il le recommanda à Helvétius, qui se mit en campagne et procura à d’Arnaud un emploi provisoire, nous ne savons lequel, mais Voltaire fut content, car il remercia Helvétius avec effusion, tout en insistant de nouveau sur les mérites de son protégé : « J’ose vous recommander ce jeune homme comme mon fils ; » tels sont les termes dont il se sert, et cette partie de sa correspondance lui fait réellement beaucoup d’honneur : on n’est pas accoutumé à rencontrer tant de tendresse sous la plume qui scalpe La Beaumelle et dénonce Desfontaines ; cet attachement pour un pauvre hère, attachement qui est mieux que de la pitié, excuse bien des courtisaneries et bien des fureurs.

Alors, les petits écus cessent de couler. Baculard d’Arnaud, dégagé des principaux soucis matériels,