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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

reçut la lettre suivante, précieuse par quelques renseignements sur madame de Sainte-Amaranthe, si diversement jugée par les historiens. Il ne faut pas oublier que Hérault de Séchelles était un lettré, jadis connu à la cour de Marie-Antoinette par de petits vers. Voici sa lettre :

« C’est du comité de salut public, les chevaux mis aux voitures, que je vous écris, chère et belle ; je pars à l’instant pour le mont Blanc, avec une mission secrète et importante. Ce voyage durera trois mois au moins. Ainsi, charmante Suzanne, nous voilà séparés pour longtemps ; j’emporte avec moi votre portrait, que j’ai dans mon portefeuille.

« Vous me dites que vous avez de la propension à la jalousie. Il n’y a pas un être plus affecté de cette maladie que moi, voilà pourquoi je ne puis conserver une maîtresse. Sainte-Amaranthe, que vous trouvez si belle et qui l’est en effet, est la plus perfide des femmes ; et elle est si bien connue pour telle, qu’on ne la nomme que perfide Amaranthe. C’est elle qui a su cependant me conserver le plus longtemps, malgré mes défauts.

« Mais où m’égarai-je ? Adieu, Suzanne. Allez quelquefois à l’Assemblée en mémoire de moi. Adieu. Les chevaux enragent, et l’on me croit nationalement occupé, tandis que je ne le suis qu’amoureusement de ma très-chère Suzanne.

« Séchelles. »

Ce départ rendit pour quelque temps à Quinette le cœur de sa maîtresse, mais ne lui rendit pas la sécurité des jours enfuis. La petite chambre de la rue Saint-Honoré devint sombre comme la plus sombre