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GORJY.

eût une armée véritable composée de la plus grande partie des citoyens de Néomanie. Sur leurs justaucorps on voyait ressortir le blanc des courroies en sautoir auxquelles pendaient la giberne et le sabre ; les épaules des chefs étaient chargées de riches franges ; dans leurs mains étincelait la flamboyante épée avec laquelle ils dirigeaient les évolutions des lignes hérissées de fusils et de baïonnettes. Chaque légion portait ou le feutre à la prussienne qu’ombrage à gauche une cocarde tricolore, — ou ce bonnet exhaussé, auquel la dépouille de l’ours prête un effet si imposant, — ou le casque brillant que borde la peau du tigre, et derrière lequel on voit flotter une touffe de crins aussi noirs et plus luisants que l’ébène. Toute cette multitude, animée par une musique guerrière, chantait à l’envi le refrain à la mode : Ah ! ça ira ! ça irai ça ira !

« — Eh ! quoi, s’écria i’Ann’quin Bredouille stupéfait, est-ce que l’on verra souvent une quantité aussi immense d’hommes rassemblés à la fois sous les armes ? — Non pas à la fois, lui répondit madame Jer’nifle ; il y en aura les trois quarts qui resteront au coin de leur cheminée pour s’accoutumer au feu. »

Cette description fourmillante et brillante n’est pas la seule de l’ouvrage ; nous avons passé sous silence le sac de Saint-Lazare et la prise de la Bastille, racontés avec cet entrain et cette douce ironie, dont un de nos révolutionnaires modernes s’est fait l’apôtre.

En quittant la plaine de Lon lan la derirette, nos trois curieux, le naïf i’Ann’quin Bredouille, l’aimable petit Adule et la chagrine madame Jer’nifle, font un