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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

naissais mieux que personne, des mœurs dont j’étais le représentant accompli, une langue qui m’était d’autant plus familière que je concourais chaque jour à son extension. J’avais inventé, au lieu de me souvenir, ce qui eût été beaucoup plus simple et bien plus amusant.

Je ne fus pas longtemps à comprendre cela ; et, lorsque je l’eus compris, j’écrivis Angola.

IV

SCÈNE DE RUELLE

Un carrosse brillant s’arrête devant la porte de la comtesse de S… ; un jeune homme mis magnifiquement se fait annoncer en composant ses grâces.

« — Quoi ! il est jour ici ! s’écrie-t-il en entrant dans l’appartement de la comtesse ; mais est-ce que je me serais trompé ? N’avez-vous donc point passé la nuit à ce souper divin dont j’étais prié, et que je suis furieux d’avoir manqué ?

« — Eh bien, dit la comtesse en minaudant, qu’est-ce que cela prouve ? Où avez-vous pris, s’il vous plaît, qu’on ne puisse pas être levée à trois heures après midi ?

« — Je suis fait pour me soumettre à tous vos sentiments, reprit le marquis d’un ton sérieux ; et effectivement vos grâces sont à l’épreuve des veilles et des soupers les plus longs. Tous avez la fraîcheur de la dévote la plus reposée.

« — Mais non, n’allez pas croire cela ; je ne suis point du tout bien depuis quelques jours : j’ai un fond d’abattement qui me fait peur.