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CUBIÈRES.

naire. Peut-être a-t-on pris trop au sérieux cet homme d’improvisation et de souplesse qui saisissait son inspiration dans le vent. Une femme, à qui notre sympathie est acquise avec des restrictions, madame Roland, en a parlé avec une aigreur méchante, et dans des termes qui ne conviennent pas à une bouche de rose :

« Venu chez moi, je ne sais comment, lorsque mon mari était au ministère, je ne le connaissais que comme bel-esprit, et j’eus l’occasion de lui faire une honnêteté ; il mangea deux fois chez moi, me parut singulier à la première, insupportable à la seconde. Plat courtisan, fade complimenteur, sottement avantageux et bassement poli, il étonne le bon sens et déplaît à la raison plus qu’aucun être que j’aie jamais rencontré. Je sentis bientôt la nécessité de donner à mes manières franches cet air solennel qui annonce aux gens qu’on veut éloigner ce qu’ils ont à faire. Cubières l’entendit ; et je n’ai plus songé à lui que le jour de mon arrestation, où j’ai vu sa signature sur l’ordre de la Commune. »

Madame Roland ne s’en tient pas à cette appréciation méprisante ; elle trouve à Dorat-Cubières une figure répugnante, insolente et basse ; et, après lui avoir reproché la versatilité de sa muse, elle ajoute : « Mais qu’importe ! pourvu qu’il rampe et qu’il gagne du pain ! C’était hier en écrivant un quatrain, c’est aujourd’hui en copiant un procès-verbal ou en signant un ordre de police. »

Il y a erreur dans ces lignes. Dorat-Cubières était riche, ce n’était pas pour gagner du pain qu’il écrivait des quatrains. Le jour qu’il se présenta à la