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OUBLIÉS ET DÉDAIGNÉS.

essaya de le devenir pour sacrifier au goût public. Cette seconde transformation du chevalier de Cubières a fait sourire la moitié de Paris et révolté l’autre. Le ridicule qu’il avait côtoyé jusqu’alors commença à l’envahir complètement ; il devint la proie des journaux royalistes, qui lui demandèrent, celui-là, un morceau de sa houlette brisée, celui-ci, un de ces nœuds d’épaule qui allaient si bien à son habit d’aristocrate ; un autre enfin, les stances charmantes qu’il avait adressées jadis à Marie-Antoinette. Dorat-Cubières, qui avait une constitution poétique à l’épreuve des huées, ne se laissa pas étourdir par ce concert railleur ; il continua à faire rimer patriotes et despotes, esclaves et entraves, tyrannie et patrie.

Toutes ces déclamations appelaient une récompense : la Commune de Paris fit de lui son secrétaire général. Ce jour-là, il y eut bien des poëtes étonnés. Dorat-Cubières s’accommoda de ce singulier emploi qui flattait sa vanité politique, et il se vit incorporé dans la machine de l’État avec les personnages les moins faits pour le comprendre. À ceux qui lui en feront un reproche, je répondrai qu’il n’est pas impossible que Dorat-Cubières eût conçu l’espérance d’adoucir par les sons de sa lyre les ours et les tigres de la république naissante.

Et voyez ! le 22 août 1792, il se présente à l’Assemblée législative ; il demande à être entendu, malgré l’heure avancée, — il était onze heures du soir ; — peut-être avait-il quelques révélations importantes à faire. Pas du tout. Laissons parler le Moniteur : « M. Dorat-Cubières, admis à la barre, prononce un discours dans lequel il soutient et prouve