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CURIOSITÉS LITTÉRAIRES

Emma. — Pauvre Mme de Mortsauf ! si belle et si malheureuse !

La Duchesse. — C’est le destin de tous ceux en qui le sentiment prédomine. Vrai lys dans la vallée créé pour une vie de parfum et de lumière, elle devait bientôt s’étioler et périr. Un air trop froid et trop lourd pesait sur elle.

Emma. — Et comment cette frêle tige a-t-elle pu rester si lontemps debout et battue par le vent ?

La Duchesse. — Croyez-moi, Emma, certaines douleurs minent sourdement l’existence. C’est un déchirement de tous les jours, de toutes les heures… Que nous serions heureuses si elles tuaient d’un seul coup !

Plus loin, on vient dire à la duchesse de Praslin qu’une fête s’organise au profit des inondés de la Seine.

La Duchesse. — N’avez-vous pas inscrit mon nom ?

Le Vicomte de Laroche. — Je voulais d’abord vous en demander l’autorisation.

La Duchesse. — C’était inutile. Quoique je n’approuve pas cette charité du siècle, qui fait de tout désastre un prétexte à des bals, à des fêtes joyeuses, cela vaut mieux que rien… Cela vaut mieux que la charité de nos voisins d’outre-Manche, qui jeûnent