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CONTES POPULAIRES EN ITALIE

Un jour, raconte-t-on à Palerme, un étranger voyageait pour ses affaires ; il s’arrêta dans une auberge et s’aperçut trop tard qu’on avait oublié de mettre sur sa note deux œufs cuits durs qu’il avait mangés. Retourner à l’auberge eût été une grande perte de temps, le voyageur préféra faire des affaires avec le prix des œufs, et à son retour le remettre à l’hôtelier avec les bénéfices. Il revint donc à Palerme dix ans après, et se présenta gaiement à l’homme en lui disant :

— Me reconnaissez-vous ?

— Non monsieur.

Il lui rappela sa visite et les œufs oubliés sur l’addition ; il lui dit que l’argent non payé avait prospéré dans ses mains et lui offrit une somme énorme, 50 onces. Celle monnaie d’or de Sicile valait 13 francs 73 centimes : l’hôtelier devait être content, point du tout.

— Cinquante onces ! s’écria-t-il non monsieur, il faut me donner le reste.

Et il lui exposa que de ces œufs il aurait eu des poulets, que les poulets seraient devenus des poules, que ces poules auraient produit toute une basse-cour, qu’avec la basse-cour il aurait acheté des moutons, et qu’il serait à présent propriétaire d’une bergerie.

— Vous m’avez enlevé ce capital et vous voulez ? me donner 50 onces ? Ma foi, non ! Tel fut le raisonnement de l’hôtelier, et les Siciliens battent des mains à ce bon tour, ils pensent que le brave homme avait raison ; d’ailleurs n’était-il pas de Palerme ? Les juges devant qui l’affaire fut portée donnèrent aussi gain de cause à l’hôtelier. L’étranger perdit son procès au tribunal civil et à la cour d’appel ; il y avait une suprême tentative à