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LA CONSTITUTION DE SYLLA . 389 contrait a Rome, méme dans la demeure des familles séna- toriales les moins riches, il absorba avidement et d’un coup tous les plaisirs du sensualisme intellectuel, enfanté _ par l’alliance de la délicatesse grecque et de la richesse romaine. Homme du monde et bon camarade, dans le salon des nobles et sous la tente, il se faisait partout bien . venir: grands et petits, ceux qui le connaissaient trou- vaient en lui un ami sympathique et dans leur besoin un aide serviable, distribuant son or à ses compagnons mal- · heureux plutot qu’à ses opulents créanciers. Aimant dailleurs àà tenir la coupe en main et passionné davantage encore pour les femmes, jusque dans les dernières années de sa vie, il cessait d’etre··le dictateur quand la journéeétait · finie, et quand, oubliant les affaires serieuses, il se mettait à table. Il y eut dans cette forte nature comme un courant d’ironie, je dirai presque de bouffonnerie. Durant sa régence, unjour`qu’il présidait a lfenchere des biens des proscrits, il fit donner une part de butin a tel personnage qui lui pré- -sentait je ne sais quels mauvais vers a sa louange, a la- condition de promettre qu·i1`¤a le chanterait plus. Après avoir justifié la condamnation_ d’Of`ella devant le peuple, il ' se mit, pendant qu’on exécutait le malheureux, a raconter la fable du Laboureur et‘dcs Poux`. Il aimait la com- pagnie des acteurs de théatre : non content d’avoir àsa table Quintus Roscius, le Talma romain, il recevait volon- tiers de moindres artistes et buvait avec eux, chantant ~ assez juste lui-meme, écrivant des Atellancs exécutées de- vant ses familiers. Mais il s'en fallait que dans ces joyeuses ` débauches il perdit son énergie corporelle et intellectuelle: au milieu de sa vie oisive à la campagne, après son abdi- cation, on le vit battre le pays eu actif chasseur : il s’in— ‘ [La voici, selon Appien (bell. civ., I, 101): « Un laboureur était » mordu par les poux, durant son travail.' ll s‘arrêta, et nettoya sa n tunique. Mais il était mordu toujours; alors, pour n'ètre plus » gêné en travaillant, il brula sa tunique. » — a Je conseille, » aurait ajouté Sylla, « à tous ceux qui ont été vaincus par deux fois, n de ne pas m’obliger à user du fer et du feu une troisième! »]