Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 5.djvu/306

Cette page n’a pas encore été corrigée

302 LIVRE IV, CHAPITRE VIII fallait se défaire du hardi meneur, qui s’était emparé de l’Asie, à la tete de 1’armée des démocrates : sans quoi, pendant que Sylla s’en irait d’Asie en Italie pour y étouffer la Révolution, on le verrait, lui aussi, accourir d'0rient au secours des révolutionnaires. Sylla reçut à Cypséla sur l’Hébrus [lpsala, sur la Maritzq, 'en Roumélie] la nou- velle de la ratification du traité : il continua de marcher guerre contre Mithridate. « Le roi Arduchès d'Arménie, dit Moïse » de Khorène, ne voulant pas se contenter d'occuper le second rang n dans le royaume de Perse (ou des Parthes), força le roi Arschagan, » à·lui laisser la suprématie royale : il se lit bâtir un palais en » Perse, et battit monnaie à son efïigie; réduisitArschagan ai n’être » que roi suzerain des Perses, installa son propre fils Dicran ri (Tigranes) comme roi suzerain en Arménie, et maria sa fille » Ardaschama au grand-prince des Ibères Mih1·dates(Mithridate), in descendant du Mihrdate, satrape de Darius, lequel gouverna au t nom d’Alexandre les lbères subjugués, et commanda aux monta- » gnes du nord et à la mer du Pont, .. Ardachès lit ensuite prison- ‘» nier le roi Crœsus, de Lydie, soumit toute la terre ferme entre n les deux grandes mers (Asie-Mineure), puis prit la mer avec » d’innombrables vaisseaux, pour aller subjuguer l’0ccident. L’anar- » chie étant à Rome, nul ne lui opposa une vive résistance; mais . ‘ » ses soldats s'étant exterminés mutuellement, Ardachès périt par » leurs_mains. . . Après la mort d’Ardachès, Dicran, son successeur, » s’avança contre l’armée des Grecs (c'est-à-dire, des Romains), qui » de leur côté marchaient en Arménie. ll mit un terme à leurs enva- » hissements, et confia à son beau—frère Mihrdate le gouvernement » de Madjag (Mazaka en Cappadoce) et des provinces intérieures, » avec une armée considérable; puis s'en revint en Arménie. .; Bien n des années après on montrait encore dans les villes arméniennes » des statues des divinités grecques, œuvres de maîtres connus, et » trophées de victoire de cette expédition. » On reconnaîtra ici sans peine les principaux événements de la première guerre de Mithridate. Mais tout le récit est visiblement bouleversé et surfait d'additions étrangères: l’orgueil arménien l'a rempli de· mensonges patriotiques. De même, plus tard, la victoire sur Crassus est attribuée aux Arméniens. Il faut user d’extrême pré- caution, en feuilletant ces documents orientaux: ils ne font rien moins que raconter la tradition populaire: mais ils fondent pêle- mêle la légende arménienne, les récits de Josèphe, d’Eusèbe et des autres sources à l’usage des chrétiens du v· siècle, et mettent en outre à contribution les romans historiques des Grecs et les imagi- nations patriotiques de l'auteur lui-même. Quelque pauvres que soient nos sources, à nous autres Occidentaux, convenons que tenter de les compléter, ici et partout ailleurs, avec les données de la légende orientale, comme l`a voulu faire par exemple Saint—Ma1·tin, à l’encontre des lois de la critique, c'est vouloir ajouter les ténèbres à la nuit. [Sur l'objet de cette note, V. Moïse de Khorène, Venise, 1841 : traduction française de Le Vaillant de Florival, liv. II, chap. xx, xxx, XIV, xxu, t. I, pp. 171 et s.]