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CARTHAGE

15.

et de Tunis. « Les Carthaginois » dit un ancien, « de Tyriens qu’ils étaient d’abord, s’étaient changés en Libyens ». La civilisation phénicienne dominait en Libye, absolument comme la civilisation grecque avait conquis, aveç une énergie plus grande encore, l'Asie Mineure et la Syrie, à la suite d’Alexandre. On parlait, on écrivait en phénicien sous la tente des cheiks nomades, et les peuplades indigènes témoignaient de leur première et incomplète culture, en faisant de l’alphabet phénicien, l’instrument de leur langue[1]. Quant à les dénationaliser complétement, quant à les changer en des Phéniciens, c'est ce qui n’était ni dans l’esprit ni dans la politique des Carthaginois.
Impossible de déterminer l’époque à laquelle leur ville est décidément devenue la capitale de la Libye. Cette révolution s'est faite peu à peu. L’écrivain que nous venons de citer nomme Hannon comme le réformateur de sa nation. S`il s’agit ici d'Hannon, le contemporain de la première guerre punique, il n’a pu que mettre la dernière pierre au vaste édifice, dont la construction s’est continuée sans doute pendant tout le cours des ive et ve siècles de Rome.
Chose remarquable, en même tenips que grandissait Carthage, la décadence était venue pour les grandes villes phéniciennes de la mère patrie; Sidon, et Tyr surtout, ne connaissaient plus de jours prospères. Assaillies

  1. L'alphabet libyque ou numide, celui usité chez les Berbères, aujourd’hui comme au temps jadis, pour l’écriture de la langue non sémitique, est l'un des innombrables dérivés, du type araméen primitif. Dans quelques-uns de ses détails, il semble même s’en rapprocher plus encore que celui des Phéniciens. Qu’on n’aille cependant pas croire que les Libyens auraient reçu l’écriture d’importateurs plus anciens que les Phéniciens eux-mèmes; il en est de même ici qu’en italie, où certaines formes évidemment plus vieilles n’empêchent pourtant pas que l’alphabet local ne se rattache aux types grecs. Tout ce qu’on en peut induire, c’est que l'alphabet libyque appartient à l'écriture phénicienne d'une époque remontant au dela de celle où furent tracés les monuments phéniciens qui nous sont parvenus.