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L'ÉGALITÉ CIVILE

l’homme du peuple des positions gouvernementales, elles abolirent les prohibitions immuables du droit public, et ne laissèrent plus subsister que des obstacles de fait, sinon absolument infranchissables, du moins difficiles à franchir. D’une manière ou d’une autre, un sang nouveau s’infusa dans la noblesse : mais, après comme avant, le gouvernement resta aristocratique ; et si la cité romaine, à cet égard même, ne cessa pas d’être une véritable cité rurale, où le riche propriétaire de domaines ne se distinguait presque pas du pauvre métayer, et traitait avec lui sur un pied d’égalité complète, l’aristocratie s’y maintint d’ailleurs toute-puissante, et l’homme sans fortune y eut plus aisé d’atteindre aux fonctions suprêmes dans la ville, que d’être comme chef dans son village. En donnant au plus pauvre citoyen l’éligibilité aux magistratures souveraines, la loi nouvelle, assurément, décréta une innovation grande et féconde. Mais, dans la réalité, ce ne fût pas seulement une exception des plus rares que d’y voir arriver un homme parti des couches sociales inférieures[1] ; à la fin de l’époque actuelle même, une telle élection ne put jamais être enlevée que de haute lutte, et avec l’appui de l’opposition.

  1. La pauvreté des consulaires d’alors, pauvreté tant vantée, comme on sait, dans les recueils d’anecdotes morales des temps postérieurs, est loin d’avoir été ce qu’on l’a faite. À cet égard, on interprète à faux, tantôt les habitudes frugales des anciens temps, lesquelles se conciliaient très bien avec la possession d’une fortune considérable ; tantôt l’antique et noble usage de consacrer aux funérailles des hommes ayant bien mérités de la patrie, le produit d’une collecte spéciale ; comme s’il y avait eu là rien qui ressemblât au convoi du pauvre ! — Ajoutez à cela les récits fantastiques imaginés par les chroniqueurs à l’occasion de l’origine des surnoms (V. par ex. Serranus), surchargeant d’une multitude d’ineptes contes les annales sérieuses de l’histoire de Rome. [Le surnom de Serranus, suivant la tradition, avait été donné à C. Attilius Regulus, qu’on trouva ensemençant (sero) son champ, quand on vint lui annoncer son élection au consulat (quem sua manu spargentem semen, qui missi erant, convenerunt) Cic. pro Rosc., 18 — V. aussi Val. Max., iv, 4, 5. — Plin., xviii, 3, 4. — Virg., Æneid., vi, 845.]