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LES COMMENCEMENTS DE ROME

de Romains, comme il était attaché à toute la contrée, les habitants de la colline l’ont pris (Romani collini), aussi bien que les gens du Palatin. Il se peut, d’ailleurs, que les deux cités aient eu une population d’origine différente, sans que rien vienne indiquer, pourtant, qu’il y ait jamais eu là une immigration d’une peuplade étrangère à la souche latine[1].

Ainsi donc, à l’époque où nous sommes, deux cités séparées et souvent luttant entre elles, occupaient l’emplacement de Rome ; celle des montagnards du Palatin,

    Temple de Quirinus, dans les temps postérieurs, donnent au dieu le nom de Mars, seulement. Ce n’est que pour les distinguer qu’à une époque relativement récente, le Dieu des Romains montagnards a été appelé plus spécialement Mars, et celui des Romains de la colline, Quirinus.— Quelquefois enfin, le Quirinal porte le nom de colline Agonale (collis Agonalis, colline des Sacrifices), par allusion à la religion des Romains collins qui y avaient leurs principaux sanctuaires. [V. Preller, — V° Agonia, Agonius, etc., p. 159, note 2 et 320 et 321.]

  1. La théorie contraire (V. Schwegler, par ex., Hist. R. I, 480) repose sur une hypothèse mise en avant par Varron, et adoptée à l’envi par tous les historiens. Cette hypothèse à la fois étymologique et historique, rattache les mots latins Quiris, Quirites à l’appellation de la ville sabine de Cures. Dés lors dit-on, ce sont les Sabins de Cures, qui sont venus peupler le Quirinal. Qu’il y ait entre ces mots une affinité philologique, je le veux bien : mais qu’on en déduise, comme conséquence historique, l’immigration Sabine c’est ce que je n’admets pas en l’absence de toute raison sérieuse. On a soutenu, sans le prouver, que les sanctuaires du Quirinal avaient été sabins. Mais on trouvait au Quirinal aussi, une colline dite Latine (Latiaris). Mars Quirinus, le Soleil (Sol), la déesse de la Santé (Salus), Flore (Flora), Semo sancus ou le Deus Fidius [v. Preller, his vis], sont à la fois des divinités sabines et latines, inventées par la piété, à l’époque où Sabins et Latins ne s’étaient point encore séparés. Plus tard, sans doute, certains noms de dieux sont restés particulièrement attachés aux sanctuaires du Quirinal, rejetés cependant au dernier rang (citons, par ex., le Semo sancus ; d’où la porta Sanqualis, à laquelle il a donné son nom) ; mais, ces noms se retrouvent parfois ailleurs (comme le Semo sanctus, dans l’île Tibérine). Puis, cette circonstance, tout en démontrant aux yeux d’une critique impartiale l’antiquité même du culte, ne sera nullement la preuve d’un emprunt fait en pays voisin. Je ne nie pas la possibilité de certains antagonismes de race, et de leurs effets naturels ; mais, s’ils se sont réellement produits, leur écho n’est même pas arrivé jusqu’à nous ; et les considérations à perte de vue auxquelles nos contemporains s’abandonnent au sujet de l’élément sabin dans la cité romaine, me semblent devoir être écartées. Tout nous avertit ici qu’il faut craindre d’entasser le vide sur le vide.