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PREMIÈRES IMMIGRATIONS

morale[1]. La monogamie est prescrite au mari : l’adultère de la femme est puni sévèrement. La mère de famille a autorité dans l’intérieur de la maison : ce qui atteste à la fois l’égalité de la naissance chez les deux époux, et la sainteté du lien qui les associe. Mais aussitôt, l’Italie se sépare de la Grèce en conférant à la puissance maritale, et surtout à la puissance paternelle, des attributions absolues et indépendantes de toute acception de personnes : la subordination morale de la famille se transforme en un véritable servage légal. De même chez les Romains, l’esclave n’a pas de droits, conséquence naturelle de l’état de servitude, et qui se poursuit jusqu’à la plus extrême rigueur : chez les Grecs, au contraire, les faits et la loi apportant de bonne heure des adoucissements à la condition servile, le mariage conclu avec une esclave fut reconnu comme légitime.

La famille ou l’association formée de tous les descendants du père commun, a sa base dans la maison commune : et à son tour, en Grèce comme en Italie, c’est de la famille que naît l’État. Mais chez les Grecs, où l’organisation politique se développe moins puissante, le pouvoir familial persiste fort tard à l’égal d’un véritable corps constitué en face même de l’État ; en Italie au contraire l’État surgit immédiatement, et prédomine. Neutralisant complétement l’influence politique de la famille, il ne représente plus l’association des familles réunies, mais seulement la communauté de tous les citoyens. Aussi l’individu lui-même atteint-il bien plus vite en Grèce à la pleine indépendance de sa condition et de ses actes : il se développe librement en dehors même de la famille. Et ce fait si important se reflète jusque dans le

  1. La ressemblance des principes se continue d’ailleurs jusque dans les détails, comme, par exemple, dans la définition des justes noces ayant pour but « la procréation des enfants légitimes » (γάμος ἐπἰ παίδων γνησίων ἀρότω — matrimonium liberorum quœrendorum causa). [Remarquer le mot ἀρότω, qui signifie labourage, ensemencement.]