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LIVRE I, CHAP. XV

lemment propice dans le génie caustique des Italiens, dans leur sentiment si vif des choses extérieures, dans leur amour du mouvement comique, du geste et des travestissements. Mais rien ne s’est conservé des incunables de l’épopée et du drame romains. Les chants des aïeux reposaient sur la tradition seule, cela se comprend de soi-même ; et on en a surabondamment la preuve dans ce fait qu’ils étaient débités d’ordinaire par les jeunes garçons. Dès le temps du premier Caton, ils avaient complètement disparu. Quant aux comédies, si on veut leur donner ce nom, elles n’étaient et ne furent longtemps que de simples et fugitives improvisations. Ainsi, de toute cette poésie, de toute cette mélodie populaire, il ne pouvait rien sortir, si ce n’est le rythme, l’accompagnement musical ou choral et peut-être l’usage du masque.

Mesure du vers.On est en droit de douter qu’il y ait eu alors ce que nous appelons les vers et leur mesure. La litanie des frères Arvales ne suit aucun mètre fixe, et ne semble guère être qu’une sorte de récitatif animé. Mais plus tard apparaît la poésie saturnine ou de Faune[1]  ; où se fait sentir un mètre grossier, absolument inconnu des Grecs, et contemporain, sans nul doute, des premiers bégayements de la muse populaire des Latins. On en trouvera un exemple dans le fragment, d’ailleurs bien plus moderne, que nous allons transcrire.

Quod ré suá diféídens — ásperé afleícta
Paréns timéns heic vóvit — vóto hóc solúto
  1. Le nom de vers saturnins veut dire « chant métrique », la Satŭra n’ayant pas été autre chose alors que la chanson débitée dans les fêtes du carnaval. Elle a la même racine que Sæturnus ou Saiturnus (dieu de la semence), dont on a fait ensuite Sāturnus. Mais c’est dans un temps bien postérieur qu’on a rattaché le vers saturnin, au dieu Saturne (versus Sāturnius), en changeant en longue la première syllabe brève du mot. — [Quant au nom du vers de Faune, il s’explique de lui-même : Cui (versui) prisca apud latinos ætas, tanquam Italo et indigenæ, Saturnio sive Faunio nomen dedit. (Marius Victorinus, 3, p. 25, 86, P.)].