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RELIGION

coup près, dans la pureté et le détail de ses rites, comme nous savons celui de Rome : les rêveries de l’érudition moderne y ont pu ajouter beaucoup ou s’appesantir de préférence sur les dogmes ténébreux et fantastiques qui s’éloignent le plus du rituel latin. Quoi qu’il en soit de ces deux causes d’exagération, il n’en demeure pas moins vrai que cette religion, mystérieuse et sauvage tout ensemble, avait aussi ses fondements dans le génie propre du peuple toscan. Dans l’état de notre science fort insuffisante, nous n’essayerons pas d’exposer ici les différences essentielles des religions latine et étrusque ; nous mentionnerons seulement, comme un fait important, les dieux mauvais et nuisibles placés au premier rang dans l’olympe de la Toscane ; les rites empreints d’une cruauté sanguinaire, et les captifs sacrifiés sur les autels : témoins les prisonniers phocéens qui furent massacrés à Cœré, et les prisonniers romains dont le sang fut versé à Tarquinies. À la place du monde paisible et souterrain, où les Latins croient voir errer les « bons Esprits » ombres des trépassés, les Toscans ont un véritable enfer, où les âmes malheureuses sont poussées au supplice du maillet et des serpents par le conducteur des morts, vieillard à demi bestial, revêtu d’ailes et armé d’un grand marteau. Les Romains ont plus tard emprunté son costume ; ils en ont affublé, dans les jeux du cirque, l’homme chargé d’enlever les cadavres de l’arène. Les supplices infernaux sont l’apanage ordinaire des ombres : certains sacrifices mystérieux ont seuls, pourtant, le privilège d’opérer leur délivrance et de faire monter les âmes malheureuses dans le monde des dieux supérieurs. Chose remarquable, les Étrusques, pour peupler leur enfer, ont demandé aux Grecs leurs plus lugubres mythes : le mythe de l’Achéron et Charon, lui-même, jouent un grand rôle dans leur système religieux.

Mais la piété étrusque se préoccupe avant tout du sens