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LIVRE I, CHAP. X

progrès s’arrêtent soudain vers le milieu du second siècle de Rome, et nous ne pouvons douter que ce temps d’arrêt ne soit dû à un fait contemporain aux progrès merveilleux de Carthage, la plus puissante des colonies phéniciennes de la Libye ; de Carthage, qui tenta de conjurer les dangers que couraient toutes les races puniques. Tout n’était point perdu encore. Si le peuple qui avait ouvert la Méditerranée au commerce et à la navigation, se voyait obligé de partager sa conquête avec un peuple plus jeune ; s’il n’était plus seul en possession des deux voies de communication entre l’Orient et l’Occident ; s’il n’avait plus le monopole commercial des deux grands bassins de la Méditerranée, il lui était possible encore de maintenir sa suprématie à l’ouest de la Sardaigne et de la Sicile. Telle fut la tâche que Carthage osa entreprendre avec l’énergie, l’obstination et l’ampleur de vues propres à la race Araméenne. À dater de ce moment, la colonisation phénicienne et la résistance se transforment. Jusque-là les établissements puniques, ceux de Sicile, par exemple, que Thucydide a décrits, n’étaient que de simples comptoirs de commerce. Carthage se met à pratiquer le système des conquêtes territoriales : elle a des sujets nombreux dans les pays qu’elle conquiert ; elle y élève des forteresses grandioses. Jusque-là les Phéniciens des colonies avaient lutté isolés contre les Grecs : Carthage concentre dans la virile unité de sa puissance toutes les forces défensives de la famille phénicienne. L’histoire de la Grèce n’offre rien de comparable à cette organisation compacte et savante. Lutte des Phéniciens et des Italiques contre les Hellènes.Mais la phase la plus remarquable de cette révolution coloniale est assurément celle où, pour mieux lutter contre les Grecs, les Carthaginois entrèrent en relations intimes avec les Siciliens et les Italiens. De là d’incalculables conséquences. Quand, vers l’an 579 av. J.-C.175, les Cnidiens et les Rhodiens voulurent s’établir à Lilybée [Lilybœon, aujourd’hui Mar-